Par Xavier Pavie, Professeur à l’ESSEC, directeur académique du programme Grande École à Singapour et du centre iMagination.

Dire que le professeur du futur sera philosophe ou ne sera pas ne signifie pas que nous n’aurons que des professeurs de philosophie en classe, mais que tous devront être en mesure d’adopter une posture philosophique. Comment peut-il en être autrement ?

Quelle démarche de réflexion critique ?

Les cinquante dernières années ont vu émerger un grand nombre de situations totalement inédites dont les conséquences sont considérables : réchauffement climatique, convergence NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), transhumanisme, digitalisation, séquençage de l’ADN, manipulations génétiques… Toutes ces situations ont des conséquences notables sur notre planète et les espèces vivantes qui s’y trouvent. Et toutes sont le résultat d’un seul fait : l’innovation. Que celles-ci soient issues du domaine de la finance ou du marketing, de l’ingénierie ou du médical, peu importe, elles sont toutes innovations et leurs conséquences sont nombreuses, souvent non maîtrisées.

Est-il encore possible d’enseigner ces disciplines sans insuffler une pensée, une conscience, une réflexion, une distance, un questionnement ? Peut-on persévérer dans la production de masse, le dépassement des limites naturelles, l’exploitation des territoires sans l’ombre d’un questionnement ? Les techniques, les technologies sont à notre main, nous les utilisons, nous les améliorons. Mais qu’en est-il de notre démarche de réflexion critique sur ce que nous devons faire ou non ? Et quoi d’autre mieux que la philosophie peut nous aider à cela ? Quelle autre discipline pour penser la justice et le bien commun, mais aussi la maîtrise des passions et du pouvoir, le contrôle et prendre soin de soi et des autres ?

Il n’est plus possible d’enseigner de la même manière que nous l’avons fait, et seule la réflexion philosophique pourra nous sauver.